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ŒDIPE de Sophocle
Mise en français Jean-Paul Cathala
4 e trimestre 1989 - 64 pages - 15 x 21 cm
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Il a été tiré de ce recueil 100 exemplaires sur Velin d'Arches numérotés et signés par le traducteur de I à C. Il en reste quelques uns : 25,00 €
POURQUOI ŒDIPE AUJOURD'HUI ? La figure du héros immortalisé par la tragédie de Sophocle: ŒDIPE ROI, jouée vers 420 avant J.-C., a inspiré, plus que tout autre personnage de l'antiquité, poètes et philosophes: Freud, Cocteau, Lévy-Strauss s'en sont emparé. Le héros tragique reste avant tout l'exemple terrifiant de la fragilité humaine. Figure paradigmatique où l'on lit plus clairement les mécanismes psychanalytiques (le fameux complexe!), les phénomènes structuraux de la personnalité et d'une société (I). Mais pourquoi ŒDIPE aujourd'hui? Non pas ŒDIPE-ROI ou LE TYRAN ŒDIPE (la notion de tyrannos dans le titre original de la tragédie de Sophocle a une valeur technique plus que péjorative), mais ŒDIPE seul "tel qu'en lui-même enfin l'éternité le change". C'est peut-être parce que Œdipe est d'abord un homme qui se cherche, un homme seul qui croit savoir et qui sait finalement qu'il ne sait rien. C'est l'homme qui croyait en tout, à la vie, à l'amour, au pouvoir et qui découvre l'horreur. Le miracle de la tragédie grecque est qu'elle nous propose, pour chaque moment de crise et de trouble, une figure emblématique ou de héros ou d'héroïne. Périodiquement les foules se passionnent pour Antigone, par exemple, ou pour Médée qui fut si présente à l'affiche récemment (II). Aujourd'hui, semble-t-il, voici revenu le temps de Œdipe. Le temps de s'interroger sur l'énigme de la Sphinx, laquelle revient à poser cette lancinante question: homme qui es-tu ? Le temps aussi de s'interroger sur la peste, peste en tout genre qui pourrit les cités, les cœurs et les corps, qu'on l'appelle la bombe d'Hiroshima, la pollution ou cette nouvelle horreur: le S.I.D.A. Mais cette peste d'aujourd'hui a aussi pour nom l'intolérance et son cortège de violences meurtrières. Curieusement, quand les corps pourrissent, les vieilles passions refleurissent et l'on rêve d'autodafé: Scorsese et Rushdie n'auraient sans doute pas été inquiétés il y a quelques années. Pour la santé de leurs cités les anciens grecs avaient inventé le théâtre. Aristote disait que la tragédie opère une purgation des passions (III). Bienfaisante catharsis! Voici donc revenu avec Œdipe, le plus exemplaire des héros tragiques, le temps de purger les âmes et les cœurs en attendant de purger nos villes, nos campagnes et nos corps des relents méphitiques. Aujourd'hui précisément, alors que l'on atteint les sommets du savoir-faire scientifique, la pauvre humanité est plus désarmée que jamais devant les anathèmes des fanatiques, et les nouvelles pestes comme le S.I.D.A. Vous races humaine Si je fais le compte de vos vies Cela ne vaut guère plus que le néant dit le chœur dans la tragédie de ŒDIPE (vers I I86-1188). Œdipe, "qui fut le plus glorieux" et "le plus misérable" nous rappelle que "le ciel peut toujours nous tomber sur la tête", comme disait Artaud. Avertissement salutaire, car si la peur n'est pas forcément le commencement de la sagesse, un peu de modération et de clairvoyance sont le commencement de la sophrosynè du sage en Grèce ancienne, dont le monde moderne est si dépourvu. Mais que l'on ne s'y trompe pas: ce n'est pas pour satisfaire un goût morbide que le metteur en scène propose à son public (qui le lui demande) de jouer ŒDIPE. Certes la mise en scène veut rendre tangible la désolation de la peste qui stérilise le sol de Thèbes; il faut visualiser cette angoisse de fin du monde. Mais Sophocle ne fait pas mourir son héros à la fin de la tragédie, issue somme toute surprenante. Œdipe, le maudit, quitte ignominieusement son pays sous les pierres après s'être crevé les yeux, mais c'est un héros serein que l'on retrouve dans la tragédie de ŒDIPE A COLONE. Lui, le maudit, devient alors le héros bienfaiteur dont les cités se disputent la sépulture. L'espoir n'est donc pas mort. Puisse ŒDIPE nous aider à méditer sur la vieille énigme et à nous interroger sur le prix de la vie et la fragilité du bonheur. Paulette GHIRON-BISTAGNE Professeur à l'université Paul Valéry Montpellier Responsable du CITA (Groupe Interdisciplinaire du Théâtre Antique)
Préface de Paulette Ghiron-Bistagne écrite en 1989
Couverture originale de Alekos Fassianos
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Mais pourquoi ŒDIPE aujourd'hui? Non pas ŒDIPE-ROI ou LE TYRAN ŒDIPE (la notion de tyrannos dans le titre original de la tragédie de Sophocle a une valeur technique plus que péjorative), mais ŒDIPE seul "tel qu'en lui-même enfin l'éternité le change". C'est peut-être parce que Œdipe est d'abord un homme qui se cherche, un homme seul qui croit savoir et qui sait finalement qu'il ne sait rien. C'est l'homme qui croyait en tout, à la vie, à l'amour, au pouvoir et qui découvre l'horreur. Le miracle de la tragédie grecque est qu'elle nous propose, pour chaque moment de crise et de trouble, une figure emblématique ou de héros ou d'héroïne. Périodiquement les foules se passionnent pour Antigone, par exemple, ou pour Médée qui fut si présente à l'affiche récemment (II). Aujourd'hui, semble-t-il, voici revenu le temps de Œdipe. Le temps de s'interroger sur l'énigme de la Sphinx, laquelle revient à poser cette lancinante question: homme qui es-tu ? Le temps aussi de s'interroger sur la peste, peste en tout genre qui pourrit les cités, les cœurs et les corps, qu'on l'appelle la bombe d'Hiroshima, la pollution ou cette nouvelle horreur: le S.I.D.A. Mais cette peste d'aujourd'hui a aussi pour nom l'intolérance et son cortège de violences meurtrières. Curieusement, quand les corps pourrissent, les vieilles passions refleurissent et l'on rêve d'autodafé: Scorsese et Rushdie n'auraient sans doute pas été inquiétés il y a quelques années. Pour la santé de leurs cités les anciens grecs avaient inventé le théâtre. Aristote disait que la tragédie opère une purgation des passions (III). Bienfaisante catharsis! Voici donc revenu avec Œdipe, le plus exemplaire des héros tragiques, le temps de purger les âmes et les cœurs en attendant de purger nos villes, nos campagnes et nos corps des relents méphitiques. Aujourd'hui précisément, alors que l'on atteint les sommets du savoir-faire scientifique, la pauvre humanité est plus désarmée que jamais devant les anathèmes des fanatiques, et les nouvelles pestes comme le S.I.D.A. Vous races humaine Si je fais le compte de vos vies Cela ne vaut guère plus que le néant dit le chœur dans la tragédie de ŒDIPE (vers I I86-1188). Œdipe, "qui fut le plus glorieux" et "le plus misérable" nous rappelle que "le ciel peut toujours nous tomber sur la tête", comme disait Artaud. Avertissement salutaire, car si la peur n'est pas forcément le commencement de la sagesse, un peu de modération et de clairvoyance sont le commencement de la sophrosynè du sage en Grèce ancienne, dont le monde moderne est si dépourvu. Mais que l'on ne s'y trompe pas: ce n'est pas pour satisfaire un goût morbide que le metteur en scène propose à son public (qui le lui demande) de jouer ŒDIPE. Certes la mise en scène veut rendre tangible la désolation de la peste qui stérilise le sol de Thèbes; il faut visualiser cette angoisse de fin du monde. Mais Sophocle ne fait pas mourir son héros à la fin de la tragédie, issue somme toute surprenante. Œdipe, le maudit, quitte ignominieusement son pays sous les pierres après s'être crevé les yeux, mais c'est un héros serein que l'on retrouve dans la tragédie de ŒDIPE A COLONE. Lui, le maudit, devient alors le héros bienfaiteur dont les cités se disputent la sépulture. L'espoir n'est donc pas mort. Puisse ŒDIPE nous aider à méditer sur la vieille énigme et à nous interroger sur le prix de la vie et la fragilité du bonheur. Paulette GHIRON-BISTAGNE Professeur à l'université Paul Valéry Montpellier Responsable du CITA (Groupe Interdisciplinaire du Théâtre Antique)
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