NUMANCE
Scénario théâtral d’après la pièce de Miguel de Cervantès
par Jean-Paul Cathala
3
e
trimestre 1970 – 32 pages – 12,8 x 26 cm - 6,00 €
Il y a des ghettos, des camps de concentration, des bidonvilles, des bagnes, des
réserves, des peuples entiers que l'on extermine par la faim, l'isolement ou la
violence. Pendant ce temps, le monde autour, digère avec un immense bruit,
empêche d'entendre le silence de ceux-là qui meurent pareils à la terre, seuls,
muets, avec un regard qui n'en finit pas de brûler sa nostalgie de vivre. Nous
fuyons ce regard-là et le retrouvons en nous-mêmes, rejet du grand arbre triste de
vie.
Rien de plus exigeant, de plus linéaire, de plus distant que les quelques restes de
Numance. Quelque chose de dépassionné, comme d'un regard atone qui se
détourne. Rien de triste ou fervent mais une économie de gestes dans la lutte avec
l'ange du pittoresque historique. La lenteur lourde des grands symboles
incompréhensibles mais évidents où le peuple prend sa terrible colère. Les
historiens de Rome ont empêché Numance de devenir un mythe. Sans le poète
Cervantès qui a frappé à la vitre de leur haut silence, les Numantins navigueraient
encore sur la courbe vierge de leur acte.
La réalité de Numance est sociale et physiologique. On ne peut appeler intrigue les quelques faits (éclatés) qui
s'y montrent. C'est un documentaire atroce et chaleureux qu'il faut rapprocher de certains films rapportés
d'Afrique, d'Orient, d'Amérique du Sud… Les interventions allégoriques ou surréelles sont vues per des êtres
en train de s'enfoncer au ralenti dans la mort. Cervantès avait des préoccupations patriotiques et monarchistes
qui n'ont plus rien à voir avec notre monde. Son écriture parfois pompeuse ne « colle » pas au sujet. Il fallait
une matière plus sobre, nerveuse, où le seul élément moteur serait physiologique. C'est ce que j'al essayé de
faire sous forme de scénario afin de souligner l'aspect constant de cette œuvre.
Couverture : Ortega
Photographies de Raimond Dityvon prises à Nanterre et La Courneuve en 1967